Ce
qui suit sont des extraits de l'entrevue de Jeffrey Gettleman, correspondant pour
l'Afrique de l'est du journal américain "The New York Times ",
avec le président de la République Démocratique du Congo,
Joseph Kabila.
Publiée par le New-York Times le 4 avril 2009
(Source : http://www.nytimes.com/2009/04/04/world/africa/04kabilatransncript.html?pagewanted=1
)
New-York Times(NYT) : Permettez-moi de commencer par la façon dont
les choses ont évolué. Comment vous sentez-vous actuellement ?
Joseph Kabila (J.K.): Pour apprécier la façon dont les
choses vont, nous devons regarder comment elles allaient il y a de cela 2 ;
10 ; 15 ans, et comment la situation fut il ya quelques mois, et enfin il ya
quelques semaines.
Je pense que nous allons dans la bonne direction. Cela nous a pris beaucoup
de temps, d'énergie, de ressources, de sacrifices, et particulièrement
du côté de la population. Mais nous commençons à
parler de paix, d'une paix à long terme.
NYT : Parlez-nous du récent accord qui a été conclu
entre le Congo et le Rwanda pour débusquer les groupes rebelles. Faites-vous
confiance aux Rwandais ?
J.K. : Eh bien, eux, ont-ils confiance en moi ? La confiance est un
grand mot, surtout quand on parle de pays ou de nations. Pour les pays et les
nations tout n'est qu'une question d'intérêts.
Nos intérêts ? Avoir un voisin paisible, un voisin qui respecte
notre intégrité territoriale, un voisin qui respecte notre indépendance
et, bien sûr, un voisin, avec qui nous pouvons faire des affaires. Quels
sont les intérêts du Rwanda au Congo ? Je veux croire qu'ils sont
les mêmes. Mais s'il ya un agenda caché, et que les intérêts
du Rwanda sont, plus ou moins, le contrôle des concessions minières,
et tout cela illégalement, et s'ils sont impliqués dans tout ce
qui se passe, et se fait, dans le Nord et le Sud-Kivu, alors nous sommes encore
loin de la confiance. Laissons leur le bénéfice du doute, une
fois de plus, probablement pour la dernière fois.
NYT : Que va-t-il advenir de Laurent Nkunda (le général rebelle
congolais, qui a été arrêté par les troupes rwandaises
en janvier) ? J'ai entendu dire qu'il pourrait revenir au Congo en tant que
général. Êtes-vous d'accord avec cela ?
J.K. : Eh bien, je ne suis pas d'accord avec beaucoup de choses. Mais
il y a certaines choses avec lesquelles vous devez de vivre avec. Mais l'une
de ces choses n'est pas le fait que Nkunda va revenir et retourner dans l'armée.
Non, ca c'est en dehors de la question ! Le peuple congolais aimerait avoir
des réponses sur pourquoi et comment Nkunda a fait tout ce qu'il a fait.
Après tout, nous avons perdu tant d'années à cause de ses
aventures et nous aimerions avoir des réponses. S'il revient ou quand
il reviendra, ou devrais-je plutôt dire lorsqu'il reviendra, nous voudrions
fermement avoir des réponses et le meilleur moyen d'obtenir des réponses
est à travers le système judiciaire. Qu'en sera-t-il par après
? Cela est une autre question.
NYT : Dans les faits, qu'est-ce que cela signifie ? Une sorte de commission
vérité et réconciliation ?
J.K. : Nous n'avons pas encore cela. Mais on peut bien avoir la justice
en premier et la commission de vérité et de réconciliation
venir par après. Mais nous ne voulons pas entreprendre des actions ou
initiatives qui nous ramèneraient à l'endroit où nous étions
hier ou avant-hier. Donc nous nous efforçons de peser les actions.
NYT : Est-ce que cela veut dire que Laurent Nkunda va être extradé
au Congo pour y être jugé ?
J.K. : Effectivement ! Il va revenir, et assurément nous allons
le juger dans le but d'avoir des réponses à beaucoup de questions.
Et ensuite, nous verrons. Cela dépendra de combien de temps la procédure
va prendre.
NYT : Pensez-vous réellement que les rwandais vont l'extrader ?
J.K. : Je crois, en toute bonne foi, qu'ils le feront - ou qu'ils doivent
le faire.
" Je ne suis pas un 'vautour' de la guerre
"
NYT : Étiez-vous à la base des récents combats contre
Nkunda ?
J.K. : Je ne suis pas un " vautour" de la guerre. Mais, je
ne suis pas non plus un pacifiste. Toutefois, j'aime la paix. Donc, il est hors
de question que nous ayons ordonné une offensive contre Nkunda. Non !
Non ! Nous n'avions aucune raison de le faire.
NYT : Comment se fait-il que l'armée a été impuissante
face à lui ? Quel est le problème avec les militaires ?
J.K. : Je ne pense pas que l'armée fut impuissante face à
lui. Il ya deux questions que nous devons garder à l'esprit. Primo, Le
Congo est encore en phase de reconstruction de ses institutions, et ce qui y
inclus le domaine de la sécurité. Deuxièmement, et c'est
ce que le monde doit savoir, le Congo a quasiment été sanctionné
d'un embargo sur les armes pendant longtemps.
D'une part, nous avons l'obligation de protéger et de défendre
notre pays. C'est ce que nous faisons et nous continuerons à le faire.
Mais d'un autre coté, vous avez ces messieurs assis quelques part à
Bruxelles ou ailleurs, qui font essentiellement que nous enchainer les mains
derrière le dos.
NYT : Est-ce que laisser entrer les Rwandais fut un risque ?
J.K. : Dans la vie, on prend toujours des risques. Respiré est
un risque… Lorsque vous mangez, vous pouvez avaler de travers ; c'est un
risque. Il s'agit là d'un risque que nous avons dû prendre en vue
de faire disparaître un problème qui a affecté la population
durant ces 15 dernières années.
NYT : Avez-vous eu de la pression de la part des États-Unis ou d'autres
[pays] ?
J.K. : Non, personne. Vous pourriez être surpris de savoir qu'ils
ont aussi été pris au dépourvu.
NYT : Que pensez-vous de la MONUC ?
J.K. : Qu'est ce que je ressens par rapport à la MONUC ? Elle
a réussi dans certains domaines, comme dans l'Ituri. Maintenant, nous
devons nous poser la question: est-ce suffisant - en particulier après
ce que nous avons été témoins lors des derniers déroulements
de combats ?
En quoi la MONUC fut-elle utile, alors qu'elle été déployée
partout sur le terrain ? En quoi fut-elle utile - non pas pour protéger
l'armée congolaise, non, nous n'avons pas besoin de la protection de
la MONUC, mais [alors] pour protéger la population locale ? Evidemment,
il ya eu des massacres qui ont eu lieu à Kiwanja et ailleurs, sous leur
nez. Il ya là un grand point d'interrogation… Nous devons être
d'accord que la MONUC devra certainement partir un jour. Quand cela ? C'est
une autre grande interrogation.
NYT : Avez-vous été déçus par ce qui s'est passé
?
J.K. : Non seulement moi, mais la population congolaise s'est sentie
abandonner. La MONUC a fait des promesses et avait des obligations et elle n'a
pas su répondre à ses obligations ni respecter ses promesses.
NYT : Quel type d'obligations et de promesses ?
J.K. : Ses obligations de protéger la population. Les promesses
de faire en sorte que le cessez-le-feu ne soit pas rompu. Elle ne les a pas
tenues.
NYT : Bien de choses au Congo est pris en otage par ce qui se passe à
l'est du pays. Est-ce cela qui rend difficile pour vous de poser d'autres actions
?
J.K. : C'est pénible, très pénible. L'impression
qui ressort des médias du monde entier est que l'ensemble du Congo est
en train de brûler, ou serait en feu. Non, nous avons 145 territoires
dans ce pays et en dehors ceux-ci, vous avez 4 ou 5 qui ont été
problématiques. Mais, il est vrai que 80 pour cent de mon temps, au lieu
de travailler sur les questions de développement, a été
passé à travailler sur la façon de résoudre les
problèmes dans le Nord et le Sud-Kivu. Comment expliquez cela ? La souffrance
du peuple, vous ne pouvez la supporter.
" lorsque vous vivez à Washington,
ou à New York, vous pensez que le monde entier est comme Washington ou
New York "
NYT : Parlez-moi un peu des difficultés économiques du Congo.
Dans quel mauvais état est-il ?
J.K. : La situation est très mauvaise pour nous. Soixante pour
cent de nos revenus provenaient de l'exploitation minière. Le secteur
minier a été cruellement touché - très, très
durement. Mais, nous croyons que nous avons d'autres secteurs à développer,
et nous pouvons les développer rapidement. À l'instar de l'agriculture.
Nous étions l'un des plus grands producteurs de café, de cacao,
nous avions d'énormes plantations de caoutchouc. Nous devons relancer
tout cela et ces efforts sont en cours. Dans les villes congolaises, la population
est fort jeune. C'est presque une bombe à retardement. Vous devez vous
assurer que ces jeunes hommes et jeunes femmes trouvent de l'emploi ; sinon
vous aurez des troubles sociaux.
NYT : Qu'en est-il de 9 milliards de dollars du contrat de développement
avec les chinois ?
J.K. : Je ne comprends pas les réticences que nous avons rencontrées.
En quoi consiste le contrat avec les chinois ? Nous avons dit que nous avions
cinq priorités : les infrastructures, la santé, l'éducation,
l'eau, l'électricité et le logement. Maintenant, comment faire
face à ces priorités ? Nous avons besoin d'argent, de beaucoup
d'argent. Pas les 100 millions USD de la Banque mondiale ou les 300 millions
USD du FMI [Fonds monétaire international]. Non, beaucoup d'argent, et
d'autant plus que nous sommes toujours asservie par une dette de près
de 12 milliards USD , qui nous coûte entre 50 à 60 millions de
dollars par mois, ce qui est énorme. Remettez-moi 50 millions USD chaque
mois pour le domaine social et nous allons progresser… Quoi qu'il en soit,
c'est un autre chapitre.
Bref, nous nous sommes dits : ok, nous avons ces priorités, et nous avons
discuté avec tout le monde : Les Américains : - Avez-vous l'argent
? Non, pas pour le moment ; L'Union européenne : - Avez-vous trois ou
quatre milliards de dollars pour ces priorités ? Non, nous avons nos
propres priorités. Ensuite, nous nous sommes dits : pourquoi ne pas en
parler à d'autres individus, les Chinois ? Et alors nous leur avons dit
: - Avez-vous l'argent ? Et ils ont répondu, bien, nous pouvons discuter.
Donc, nous avons discuté.
NYT : Avez-vous le sentiment que l'Occident se plaigne actuellement de ce
contrat ?
J.K. : Eh bien, je ne comprends pas pourquoi ils nous disent de ne pas
signer ces accords. Probablement en raison de l'ignorance ; l'ignorance de la
situation difficile dans laquelle nous sommes. Bien sûr, lorsque vous
vivez à Washington, ou à New York, vous pensez que le monde entier
est comme Washington ou New York. Mais les gens sont en train de souffrir !
Ce qui me révolte est le fait qu'il y ait de la résistance à
cet accord mais sans aucune contre-proposition.
" Pour moi, la priorité aujourd'hui,
c'est la paix ! "
NYT : Vous avez certainement une tâche immense. Vous avez des problèmes
de sécurité. Votre pays est très vaste. Ne vous sentez-vous
pas parfois dépasser ?
J.K. : Eh bien, parfois je me sens débordé. Mais il ya
certains d'entre nous qui sont nés pour vivre une vie agréable,
réaliser toutes les choses que n'importe qui peut rêver vouloir,
vivre leur rêve. Et il ya ceux qui sont nés sans doute pour souffrir
et apporter les changements nécessaires afin que la prochaine génération
ait un avenir meilleur. Elle est immense, mais nous essayons de traiter les
problèmes un par un. Évidement le temps n'est pas entre nos mains
; il ne nous appartient pas.
Le problème principal qui était la sécurité nous
l'avons traitée. L'autre question est le développement. Et bien
sûr, vous avez aussi la corruption et l'administration qui ne fonctionne
pas, ce n'est pas fluide, et vous avez des partenaires qui ne comprennent pas
la totalité des défis.
NYT : Qu'en est-il de la justice ? Il ya eu beaucoup de plaintes à
propos de Bosco Ntaganda (un ancien général des rebelles accusés
de crimes de guerre, qui a récemment été incorporé
dans l'armée congolaise). Allez-vous livrer Bosco Ntaganda à la
Cour pénale internationale ?
J.K. : Il n'ya pas d'autre pays en Afrique, qui ait coopéré
avec la CPI comme le Congo. Sur les quatre détenus à la CPI, les
quatre sont des congolais. Cela vous démontre à souhait combien
nous avons été coopératifs. Mais nous devons aussi d'être
pragmatiques et réalistes. Une justice qui entrainerait la guerre, l'agitation,
la violence, la souffrance et toutes ces choses, je pense qu'il nous faut dire
: " Patience, pour le moment sortons nous de cela ". Pour moi, la
priorité aujourd'hui, c'est la paix !
La suite sur le deuxième posting
qui suit sont des extraits de l'entrevue de Jeffrey Gettleman, correspondant pour
l'Afrique de l'est du journal américain "The New York Times ",
avec le président de la République Démocratique du Congo,
Joseph Kabila.
Publiée par le New-York Times le 4 avril 2009
(Source : http://www.nytimes.com/2009/04/04/world/africa/04kabilatransncript.html?pagewanted=1
)
New-York Times(NYT) : Permettez-moi de commencer par la façon dont
les choses ont évolué. Comment vous sentez-vous actuellement ?
Joseph Kabila (J.K.): Pour apprécier la façon dont les
choses vont, nous devons regarder comment elles allaient il y a de cela 2 ;
10 ; 15 ans, et comment la situation fut il ya quelques mois, et enfin il ya
quelques semaines.
Je pense que nous allons dans la bonne direction. Cela nous a pris beaucoup
de temps, d'énergie, de ressources, de sacrifices, et particulièrement
du côté de la population. Mais nous commençons à
parler de paix, d'une paix à long terme.
NYT : Parlez-nous du récent accord qui a été conclu
entre le Congo et le Rwanda pour débusquer les groupes rebelles. Faites-vous
confiance aux Rwandais ?
J.K. : Eh bien, eux, ont-ils confiance en moi ? La confiance est un
grand mot, surtout quand on parle de pays ou de nations. Pour les pays et les
nations tout n'est qu'une question d'intérêts.
Nos intérêts ? Avoir un voisin paisible, un voisin qui respecte
notre intégrité territoriale, un voisin qui respecte notre indépendance
et, bien sûr, un voisin, avec qui nous pouvons faire des affaires. Quels
sont les intérêts du Rwanda au Congo ? Je veux croire qu'ils sont
les mêmes. Mais s'il ya un agenda caché, et que les intérêts
du Rwanda sont, plus ou moins, le contrôle des concessions minières,
et tout cela illégalement, et s'ils sont impliqués dans tout ce
qui se passe, et se fait, dans le Nord et le Sud-Kivu, alors nous sommes encore
loin de la confiance. Laissons leur le bénéfice du doute, une
fois de plus, probablement pour la dernière fois.
NYT : Que va-t-il advenir de Laurent Nkunda (le général rebelle
congolais, qui a été arrêté par les troupes rwandaises
en janvier) ? J'ai entendu dire qu'il pourrait revenir au Congo en tant que
général. Êtes-vous d'accord avec cela ?
J.K. : Eh bien, je ne suis pas d'accord avec beaucoup de choses. Mais
il y a certaines choses avec lesquelles vous devez de vivre avec. Mais l'une
de ces choses n'est pas le fait que Nkunda va revenir et retourner dans l'armée.
Non, ca c'est en dehors de la question ! Le peuple congolais aimerait avoir
des réponses sur pourquoi et comment Nkunda a fait tout ce qu'il a fait.
Après tout, nous avons perdu tant d'années à cause de ses
aventures et nous aimerions avoir des réponses. S'il revient ou quand
il reviendra, ou devrais-je plutôt dire lorsqu'il reviendra, nous voudrions
fermement avoir des réponses et le meilleur moyen d'obtenir des réponses
est à travers le système judiciaire. Qu'en sera-t-il par après
? Cela est une autre question.
NYT : Dans les faits, qu'est-ce que cela signifie ? Une sorte de commission
vérité et réconciliation ?
J.K. : Nous n'avons pas encore cela. Mais on peut bien avoir la justice
en premier et la commission de vérité et de réconciliation
venir par après. Mais nous ne voulons pas entreprendre des actions ou
initiatives qui nous ramèneraient à l'endroit où nous étions
hier ou avant-hier. Donc nous nous efforçons de peser les actions.
NYT : Est-ce que cela veut dire que Laurent Nkunda va être extradé
au Congo pour y être jugé ?
J.K. : Effectivement ! Il va revenir, et assurément nous allons
le juger dans le but d'avoir des réponses à beaucoup de questions.
Et ensuite, nous verrons. Cela dépendra de combien de temps la procédure
va prendre.
NYT : Pensez-vous réellement que les rwandais vont l'extrader ?
J.K. : Je crois, en toute bonne foi, qu'ils le feront - ou qu'ils doivent
le faire.
" Je ne suis pas un 'vautour' de la guerre
"
NYT : Étiez-vous à la base des récents combats contre
Nkunda ?
J.K. : Je ne suis pas un " vautour" de la guerre. Mais, je
ne suis pas non plus un pacifiste. Toutefois, j'aime la paix. Donc, il est hors
de question que nous ayons ordonné une offensive contre Nkunda. Non !
Non ! Nous n'avions aucune raison de le faire.
NYT : Comment se fait-il que l'armée a été impuissante
face à lui ? Quel est le problème avec les militaires ?
J.K. : Je ne pense pas que l'armée fut impuissante face à
lui. Il ya deux questions que nous devons garder à l'esprit. Primo, Le
Congo est encore en phase de reconstruction de ses institutions, et ce qui y
inclus le domaine de la sécurité. Deuxièmement, et c'est
ce que le monde doit savoir, le Congo a quasiment été sanctionné
d'un embargo sur les armes pendant longtemps.
D'une part, nous avons l'obligation de protéger et de défendre
notre pays. C'est ce que nous faisons et nous continuerons à le faire.
Mais d'un autre coté, vous avez ces messieurs assis quelques part à
Bruxelles ou ailleurs, qui font essentiellement que nous enchainer les mains
derrière le dos.
NYT : Est-ce que laisser entrer les Rwandais fut un risque ?
J.K. : Dans la vie, on prend toujours des risques. Respiré est
un risque… Lorsque vous mangez, vous pouvez avaler de travers ; c'est un
risque. Il s'agit là d'un risque que nous avons dû prendre en vue
de faire disparaître un problème qui a affecté la population
durant ces 15 dernières années.
NYT : Avez-vous eu de la pression de la part des États-Unis ou d'autres
[pays] ?
J.K. : Non, personne. Vous pourriez être surpris de savoir qu'ils
ont aussi été pris au dépourvu.
NYT : Que pensez-vous de la MONUC ?
J.K. : Qu'est ce que je ressens par rapport à la MONUC ? Elle
a réussi dans certains domaines, comme dans l'Ituri. Maintenant, nous
devons nous poser la question: est-ce suffisant - en particulier après
ce que nous avons été témoins lors des derniers déroulements
de combats ?
En quoi la MONUC fut-elle utile, alors qu'elle été déployée
partout sur le terrain ? En quoi fut-elle utile - non pas pour protéger
l'armée congolaise, non, nous n'avons pas besoin de la protection de
la MONUC, mais [alors] pour protéger la population locale ? Evidemment,
il ya eu des massacres qui ont eu lieu à Kiwanja et ailleurs, sous leur
nez. Il ya là un grand point d'interrogation… Nous devons être
d'accord que la MONUC devra certainement partir un jour. Quand cela ? C'est
une autre grande interrogation.
NYT : Avez-vous été déçus par ce qui s'est passé
?
J.K. : Non seulement moi, mais la population congolaise s'est sentie
abandonner. La MONUC a fait des promesses et avait des obligations et elle n'a
pas su répondre à ses obligations ni respecter ses promesses.
NYT : Quel type d'obligations et de promesses ?
J.K. : Ses obligations de protéger la population. Les promesses
de faire en sorte que le cessez-le-feu ne soit pas rompu. Elle ne les a pas
tenues.
NYT : Bien de choses au Congo est pris en otage par ce qui se passe à
l'est du pays. Est-ce cela qui rend difficile pour vous de poser d'autres actions
?
J.K. : C'est pénible, très pénible. L'impression
qui ressort des médias du monde entier est que l'ensemble du Congo est
en train de brûler, ou serait en feu. Non, nous avons 145 territoires
dans ce pays et en dehors ceux-ci, vous avez 4 ou 5 qui ont été
problématiques. Mais, il est vrai que 80 pour cent de mon temps, au lieu
de travailler sur les questions de développement, a été
passé à travailler sur la façon de résoudre les
problèmes dans le Nord et le Sud-Kivu. Comment expliquez cela ? La souffrance
du peuple, vous ne pouvez la supporter.
" lorsque vous vivez à Washington,
ou à New York, vous pensez que le monde entier est comme Washington ou
New York "
NYT : Parlez-moi un peu des difficultés économiques du Congo.
Dans quel mauvais état est-il ?
J.K. : La situation est très mauvaise pour nous. Soixante pour
cent de nos revenus provenaient de l'exploitation minière. Le secteur
minier a été cruellement touché - très, très
durement. Mais, nous croyons que nous avons d'autres secteurs à développer,
et nous pouvons les développer rapidement. À l'instar de l'agriculture.
Nous étions l'un des plus grands producteurs de café, de cacao,
nous avions d'énormes plantations de caoutchouc. Nous devons relancer
tout cela et ces efforts sont en cours. Dans les villes congolaises, la population
est fort jeune. C'est presque une bombe à retardement. Vous devez vous
assurer que ces jeunes hommes et jeunes femmes trouvent de l'emploi ; sinon
vous aurez des troubles sociaux.
NYT : Qu'en est-il de 9 milliards de dollars du contrat de développement
avec les chinois ?
J.K. : Je ne comprends pas les réticences que nous avons rencontrées.
En quoi consiste le contrat avec les chinois ? Nous avons dit que nous avions
cinq priorités : les infrastructures, la santé, l'éducation,
l'eau, l'électricité et le logement. Maintenant, comment faire
face à ces priorités ? Nous avons besoin d'argent, de beaucoup
d'argent. Pas les 100 millions USD de la Banque mondiale ou les 300 millions
USD du FMI [Fonds monétaire international]. Non, beaucoup d'argent, et
d'autant plus que nous sommes toujours asservie par une dette de près
de 12 milliards USD , qui nous coûte entre 50 à 60 millions de
dollars par mois, ce qui est énorme. Remettez-moi 50 millions USD chaque
mois pour le domaine social et nous allons progresser… Quoi qu'il en soit,
c'est un autre chapitre.
Bref, nous nous sommes dits : ok, nous avons ces priorités, et nous avons
discuté avec tout le monde : Les Américains : - Avez-vous l'argent
? Non, pas pour le moment ; L'Union européenne : - Avez-vous trois ou
quatre milliards de dollars pour ces priorités ? Non, nous avons nos
propres priorités. Ensuite, nous nous sommes dits : pourquoi ne pas en
parler à d'autres individus, les Chinois ? Et alors nous leur avons dit
: - Avez-vous l'argent ? Et ils ont répondu, bien, nous pouvons discuter.
Donc, nous avons discuté.
NYT : Avez-vous le sentiment que l'Occident se plaigne actuellement de ce
contrat ?
J.K. : Eh bien, je ne comprends pas pourquoi ils nous disent de ne pas
signer ces accords. Probablement en raison de l'ignorance ; l'ignorance de la
situation difficile dans laquelle nous sommes. Bien sûr, lorsque vous
vivez à Washington, ou à New York, vous pensez que le monde entier
est comme Washington ou New York. Mais les gens sont en train de souffrir !
Ce qui me révolte est le fait qu'il y ait de la résistance à
cet accord mais sans aucune contre-proposition.
" Pour moi, la priorité aujourd'hui,
c'est la paix ! "
NYT : Vous avez certainement une tâche immense. Vous avez des problèmes
de sécurité. Votre pays est très vaste. Ne vous sentez-vous
pas parfois dépasser ?
J.K. : Eh bien, parfois je me sens débordé. Mais il ya
certains d'entre nous qui sont nés pour vivre une vie agréable,
réaliser toutes les choses que n'importe qui peut rêver vouloir,
vivre leur rêve. Et il ya ceux qui sont nés sans doute pour souffrir
et apporter les changements nécessaires afin que la prochaine génération
ait un avenir meilleur. Elle est immense, mais nous essayons de traiter les
problèmes un par un. Évidement le temps n'est pas entre nos mains
; il ne nous appartient pas.
Le problème principal qui était la sécurité nous
l'avons traitée. L'autre question est le développement. Et bien
sûr, vous avez aussi la corruption et l'administration qui ne fonctionne
pas, ce n'est pas fluide, et vous avez des partenaires qui ne comprennent pas
la totalité des défis.
NYT : Qu'en est-il de la justice ? Il ya eu beaucoup de plaintes à
propos de Bosco Ntaganda (un ancien général des rebelles accusés
de crimes de guerre, qui a récemment été incorporé
dans l'armée congolaise). Allez-vous livrer Bosco Ntaganda à la
Cour pénale internationale ?
J.K. : Il n'ya pas d'autre pays en Afrique, qui ait coopéré
avec la CPI comme le Congo. Sur les quatre détenus à la CPI, les
quatre sont des congolais. Cela vous démontre à souhait combien
nous avons été coopératifs. Mais nous devons aussi d'être
pragmatiques et réalistes. Une justice qui entrainerait la guerre, l'agitation,
la violence, la souffrance et toutes ces choses, je pense qu'il nous faut dire
: " Patience, pour le moment sortons nous de cela ". Pour moi, la
priorité aujourd'hui, c'est la paix !
La suite sur le deuxième posting
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